
A l’aube, quand beaucoup de Dakarois se lèvent pour aller à la prière, à l’école ou au travail, les fenêtres de leurs chambres sont envahies par la poussière. Les objets qu’on n’a pas eu le temps de cacher sont eux aussi couverts de fines particules de terre.
En plein milieu de Dakar envahi par la poussière, la respiration est difficile à l’extérieur. Beaucoup de passants mettent un mouchoir sur leur nez. D’autres ont déjà des masques anti-particules. Ce sont les rares avertis qui ont pris leurs précautions. Il faudra attendre un peu plus tard dans la journée pour que les packs de masques soient arborés par les marchands ambulants. Très vite, les stocks se vident, les protections sont massivement achetées aux coins des rues de Dakar. Les étudiants, les chauffeurs de transports en commun, les passagers, tout le monde en porte car la poussière persistante n’épargne personne.
Elle est même particulièrement dure à supporter pour ceux qui souffrent déjà de problèmes respiratoires. « Sale temps », ont-ils pour beaucoup répété après s’être réveillés enrhumés, en passe de vivre une plus rude journée que d’habitude.
A la pollution perpétuelle qui règne dans la capitale, s’est ajoutée une dense couche de poussière qui aggrave logiquement la situation. Certains ont jugé plus sage de rester dans leur domicile pour ne pas prendre de risque, ou du moins l’ammoindrir car la mauvaise qualité de l’air règne également dans les maisons.
Des concentrations PM10 et PM2,5 inquiétantes
Espérant que la situation allait vite se décanter, les Sénégalais ont malheureusement appris par la suite que la situation devrait perdurer 48h encore. Le Centre de Gestion de la Qualité de l’Air (CGQA) de la Direction de l’environnement et des établissements classés avait donné l’alerte, mais la majotité ne l’avait pas reçu. L’heure est à réfléchir sur les précautions à prendre. Les messages d’appel à la vigilance se transmettent. Les conseils de protection foisonnent sur les réseaux sociaux.

« Les concentrations moyennes horaires de PM10 ont dépassé 750 microgrammes par mètre cube et les PM2,5 avoisinent les 100 microgrammes par mètre cube ». C’est la précision du dispositif de surveillance de la qualité de l’air. Très au-delà des normes de l’OMS qui sont de 50 µg/m3 en moyenne journalière pour les PM10 et 10 μg/m3 pour les PM2,5.
Les météorologues affirment que les poussières provenant du Sahara dégradent davantage la qualité de l’air. Mais cette invasion de poussière n’est pas anodine. Elle est anecdotique de la situation qui a fait de l’« urgence climatique » l’expression de l’année 2019 selon Oxford. En 2020, l’action des hommes contre l’environnement continue et nous expose à ses conséquences néfastes. Les Sénégalais ont vécu une de celles-ci en début de semaine avec ces nuages de poussière qui les ont submergés. Les perturbations de grande ampleur liées à ces vagues de poussière tirent leurs origines en partie de l’action de l’homme.
L’homme et l’environnement, l’autre inquiétude
Certes les vents provenant du Sahara sont un principal facteur aggravant la mauvaise qualité de l’air. Mais il faut dire qu’avec plus de poumons verts les vents de sables pouvaient être ralentis.
Le problème ce n’est peut-être pas juste les vents du Sahara qui nous envahissent. Le véritable problème est l’impossibilité de les freiner. Un environnement vert ne serait pas aussi vulnérable face à la tempête de sables.
À la place, des monstres de béton sortent de terre à une vitesse extraordinaire. Le Sénégal perd analogiquement 40.000 hectares de forêt par an, de l’aveu même du Président Macky Sall en 2018.
Des chiffres inquiétants qui montrent à quel point le pays est vulnérable à de tels phénomènes atmosphériques. Le Sénégal reste ainsi en retard vis-à-vis de ses priorités environnementales.
Le réchauffement climatique qui exacerbe les saisons sèches ne permet plus à toutes les variétés d’arbre de survivre ou de se régénérer naturellement.
Pour ne rien arranger, beaucoup de foyers sénégalais utilisent le charbon de bois comme source d’énergie. Pour repasser, pour cuisiner, pour se protéger contre le froid, le charbon de bois est utilisé par 80% des familles. Il se vend à un moindre coût sans qu’un reboisement à la hauteur ne soit édicté. Ces habitudes quotidiennes voire traditionnelles parfois perçues comme banales ne font que perpétuer le déboisement.
Mais heureusement…
Face à ces multiples faiblesses sur le plan écologique, tout le pays ne reste pas muet. Beaucoup d’associations et de jeunes sensibles aux questions environnementales tentent de rétablir des espaces verts ou suggèrent leur aménagement. L’association Nebeday mène une opération de reboisement très importante avec 760 182 arbres plantés en 2019. Elle promeut en outre les combustibles durables tels que le charbon de paille. Celui-ci en lieu et place du charbon de bois cité plus haut. Par ailleurs, l’idée de faire de l’aéroport de Dakar un parc, revenait souvent ces dernières semaines. Conscients de l’ « urgence climatique » les internautes ont lancé des pétitions pour l’ouverture d’un nouvel espace vert dans l’agglomération dakaroise. Pour eux, la transformation de l’ancien aéroport en un parc offrirait une bouffée d’oxygène à la capitale.
Les phénomènes liés aux problèmes climatiques, environnementaux s’accentuent de plus en plus à travers toute la planète. Mais, comme dans d’autres pays, le Sénégal compte de plus en plus de mouvements pour la protection de la planète. De quoi espérer ralentir les méfaits du réchauffement climatique et protéger l’environnement pour les prochaines générations.
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