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Sainte-Sophie, l'enjeu triple pour Erdogan

La Turquie valide la décision d’Erdogan de transformer Sainte-Sophie en mosquée. Dans le pays, aux Etats-unis ou encore en Europe, l’enjeu est majeur. La transformation de l’ex-basilique en lieu de culte englobe des enjeux religieux, politique et géopolitique.


La justice turque a tranché le vendredi dernier. Le musée Sainte-Sophie redevient une mosquée. Mais que s’est-il passé aux siècles précédents ? On parle d’ex-basilique, de musée et maintenant de mosquée. On a dû rater un épisode… Ne vous inquiétez pas, on fait un petit rappel historique.

A la fin du Moyen-âge, l’expansion de l’empire ottoman ciblait une ville quasi infranchissable : Constantinople. Cette ville assez riche était la capitale de l’empire byzantin. Sous le règne du Sultan Mehmed II, l’exploit est fait. Constantinople devient une possession ottomane en 1453. Au sein de cette ville devenue Istanbul, s’élève une chef-d’oeuvre architectural : l’Eglise Sainte-Sophie. L’empire musulman la conserve d’abord et en fera une mosquée. Elle devient un musée en 1934.

Istanbul, Sainte-Sophie
Istanbul, Sainte-Sophie, FilipFilipovic , via pixabay

Sainte-Sophie, un enjeu religieux et politique

En transformant Sainte-Sophie en mosquée, le président turc fait un acte religieux. C’est un symbole de la place de la religion dans la politique erdoganiste. D’ailleurs depuis son arrivée au pouvoir en 2003, Erdogan a fait au musée Sainte-Sophie plusieurs actes islamiques.

« La transformation de Sainte-Sophie en mosquée est une gifle délibérée au visage de ceux qui croient encore que la Turquie est un pays séculier. »

Asli Erdogan, le Monde

Le régime islamo-conservateur cherche à garder dans ses rangs l’extrême-droite. Pour se faire un peu plus de popularité, Erdogan n’a pas le choix. Il faut ravir les conservateurs. Eux qui voulaient tant cette transformation.

Pour d’autres cet acte religieux défie même le religieux. Car selon les enseignements de l’Islam, les lieux de culte des teritoires conquis doivent être conservés. Force est de constater que les prises de positions sont moins religieuses que passionnelles, néo-ottomanistes ou anti-Erdogan.

Donc islamiquement rien ne force cette décision. Mais sur le plan politique, l’enjeu est de taille. le président turc veut garder une partie de son électorat. En effet, pour rappel, l’électorat conservateur lui a accordé la majorité absolue.

Istanbul, Sainte Sophie, Sultanahmet, Paysage
Istanbul Sainte Sophie, muratdmrkn, via pixabay

Quel message géopolitique ?

Si Moustapha Kemal avait transformé la mosquée Sainte-Sophie en musée pour s’attirer la sympathie de l’Occident, ce n’est pas le cas pour Erdogan. Mais il faut avouer que cette transformation survient en pleine crise des années 1930. La « merveille des merveille » classée au patrimoine mondial de l’Unesco a apporté durant plusieurs années une bouffée d’oxygène à l’économie de la Turquie.

Lire aussi : Erdogan sur les traces de l’empire ottoman

Par contre pour le nostalgique de l’empire ottoman, Sainte-Sophie est un premier pallier à franchir. C’est bien beau d’accroitre son influence dans les anciens territoires ottomans, Erdogan le sait. Mais le retour aux souvenirs ottomans commence d’abord en Turquie. En quoi faisant ? En rétablissant un des symboles de la puissance de l’empire turc. De surcroit, la mosquée Sainte-Sophie est témoin des périodes les plus glorieuses de l’empire.

Les relations avec la Grèce voisine se détériorent d’avantage. L’Eglise orthodoxe grecque a pointé du doigt « l’instrumentalisation de la religion à des fins partisanes ou géopolitiques ». La Turquie se dresse ainsi encore un peu plus contre l’Union européenne. Elle s’attire aussi l’hostilité de l’Onu et de l’Unesco.

Toutefois, la mosquée Sainte-Sophie reste ouverte au grand public en dehors des heures de prières. La première prière collective aura lieu le vendredi 24 Juillet.

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Auteur·e

vivredanslemonde

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